Les incontinences urinaires d’effort des coureuses de fond

À l’heure où la pression sociale pour le respect d’une hygiène de vie saine et la préservation d’une image corporelle est très forte, la question du retentissement de l’activité sportive sur la statique pelvienne est d’actualité. En effet, un quart des Françaises de plus de 25 ans sont des sportives régulières, mais lorsque le sport est mal choisi ou mal pratiqué il peut être à l’origine de diverses pathologies.

Incontinences urinaires d'éffort des coureuses

La Haute Autorité de Santé identifie la pratique intensive d’exercice physique comme un facteur de risque à part entière d’incontinence urinaire (1). En France, entre 20% à 47% des femmes sont concernées (2,3). Longtemps considérée comme une pathologie du vieillissement ou de la femme multipare, l’incontinence urinaire est également reconnue depuis les travaux de ces dernières années, comme une pathologie de la femme jeune, sportive et en bonne santé (4). La prise en charge reste difficile, car par pudeur, par honte, mais aussi par fatalisme ou par manque d’information, les pathologies urinaires sont trop souvent ignorées et donc non traitées.

Qu’entend-on par incontinence urinaire ? Quels sont les mécanismes de survenues ?

Définition de l’incontinence urinaire

Suivant les circonstances de survenue, il en est décrit trois sortes : l’incontinence urinaire d’effort (IUE), l’incontinence par urgenturie et l’incontinence urinaire mixte. L’IUE est la plus fréquente et touche 22% à 50% des femmes (5). Elle est définie par une fuite involontaire d’urine par le méat urétral lors de l’élévation de la pression abdominale à l’effort. Il s’agit d’une fuite en jet plus ou moins abondante survenant au moment de l’effort, synchrone de celui-ci, survenant le plus souvent en position debout, sans besoin préalable.
Incontinences urinaires d'éffort des coureuses

Au début, ce sont des efforts brusques comme l’éternuement, la toux, ou intenses comme le sport, le jogging, la danse et le tennis. Puis, les fuites sont provoquées pour des efforts moindres, buter sur une marche, courir pour attraper l’autobus, marcher, passer de la position assise à debout (6). La course à pied est un des sports le plus pourvoyeur d’IUE et fait parti des sports à risque élevé (7).

Quels en sont les mécanismes physiopathologiques ?

Il faut rappeler que le plancher pelvien est composé d’éléments musculaires et conjonctifs essentiels pour la continence urinaire. Il est admis que la rupture d’équilibre entre une pression abdominale « non absorbable » et un plancher pelvien défaillant est à l’origine de l’IUE. Dans la théorie de De Lancey, la continence est assurée par les moyens de fixité de l’urètre et du col vésical, appelés hamac sous urétral, lorsqu’ils sont intacts (8).

Le « relâchement » des structures de soutien de l’urètre est le mécanisme essentiel de l’IUE. Celui-ci entraîne des modifications de la statique pelvienne, un déplacement exagéré de la paroi urétrale antérieure, qui n’est plus « bloquée » par la paroi urétrale postérieure par faute de soutien du muscle pubo-rectale, se produit alors une ouverture du col de la vessie occasionnant des fuites urinaires.

On comprend bien que les sports à impact, telle la course à pied d’endurance, augmentent le risque d’hyperpression intra abdominale. (2) 

Incontinences urinaires d'éffort des coureuses

 

Les facteurs de risques

La qualité et la stabilité urétérale sont fonction de l’âge, de la parité, de l’Indice de Masse Corporel (IMC), du sport pratiqué, de l’hygiène de vie (9), mais aussi de l’équilibre global du corps. En effet, les éléments du pelvis ne peuvent trouver leur équilibre que dans un corps lui-même en équilibre du point de vue de la statique.

Les travaux de Lind & coll. (10) ont montré l’importance, pour la statique pelvienne, de la préservation d’une courbure lombaire physiologique tandis que Smith & coll. faisait le lien entre lombalgie et incontinence urinaire d’effort (11). Le bilan de la statique lombaire doit faire partie intégrante du bilan pelvi-périnéal. M. Cauffriez (12) a travaillé sur l’existence de synergies anatomiques et fonctionnelles entre diaphragme thoracique et diaphragme pelvien. Guillarme (13) a étudié les synergies entre transverse de l’abdomen et périnée et défini la notion de « compétence abdominale ».

Il existe donc une Synergie abdomino-périnéale. Une autre étude montre que les caractéristiques de l’architecture osseuse pelvienne peuvent prédisposer la patiente à des lésions des tissus conjonctifs et neuromusculaires, conduisant à l’apparition de troubles du plancher pelvien (14).

La morphologie osseuse du pelvis détermine les insertions myofaciales du périnée et donc sa capacité à « encaisser » les modifications abdomino-pelviennes. « La structure gouverne la fonction, et la fonction induit la structure » Still (fondateur de l’ostéopathie).

Les méthodes thérapeutiques

Les traitements proposés actuellement sont la rééducation périnéale, dynamique, manuelle, aidée du biofeedback, et en dernier recours la chirurgie (15).

Ces techniques de rééducation ont pour but d’aider la femme à prendre conscience de sa musculature périnéale, à la fortifier et à la rendre capable de la contracter volontairement.

Les recherches en ostéopathie ont montré un effet bénéfique sur des patientes atteintes d’incontinences urinaires en post-partum, multipare, ou ayant chuté sur le coccyx (16). Cependant, il existe très peu d’études sur l’IUE des femmes sportives. L’ostéopathie a aussi toute sa place dans l’accompagnement thérapeutique de ses femmes.
Par un traitement global du corps et une équilibration de l’axe périnéo-lombopelvien, ce traitement permet une diminution des signes et une amélioration de la qualité de vie des coureuses, (d’après mon mémoire de fin d’étude intitulé :

« Prise en charge ostéopathique des incontinences urinaires d’effort des coureuses de fond : pré-étude croisée »).

Cependant, les résultats sont positifs pour des débuts de fuites urinaires et l’ostéopathie est bénéfique plutôt en amont dans la prévention de ces troubles. En effet, en travaillant sur une harmonie de la statique pelvienne et de manière générale du corps dans sa globalité.

Suite…

Incontinences urinaires d'éffort des coureuses

 

Conclusion

Faire du sport est bon pour la santé, mais en faire à l’extrême ou mal le choisir peut être néfaste…C’est pourquoi l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé) préconise de rechercher les IU chez la femme lors des consultations pour obtenir un certificat médical (1). Mais bien souvent l’IUE est malheureusement sous diagnostiquée. Entre défaut d’information, tabou et relativisme, les femmes concernées consultent tard le corps médical pas toujours prêt à les prendre en charge en raison d’un manque de formation sur ces sujets trop souvent encore considérés à tort comme relevant du confort ou sans solutions.

Pourtant des thérapeutiques existent ! En première ligne, la rééducation périnéale par la kinésithérapeute ou une sage femme donne des résultats encourageants, la « Femina Gym » (elle combine gymnastique, yoga et aérobie dans l’optique d’améliorer le tonus périnéal et la condition physique) (1) et en dernière intention la chirurgie. Mais le meilleur traitement ne serait ce pas la prévention ? Il faudrait mieux guider ces femmes dans le choix des exercices physiques notamment des exercices de renforcement des abdominaux. L’ostéopathie a également toute sa place en permettant une harmonie de la statique pelvienne et de manière plus générale du corps dans sa globalité, car l’harmonie c’est la santé.

Références

(1) Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Sante (ANAES). Prise en charge de l’incontinence urinaire de la femme en médecine générale .Service des recommandations professionnelles. 2003.

(2) Lasserre A, Pelat C, Guéroult V, Hanslik T, Chartier-Kastler E, Blanchon T, Ciofu C, Montefiore ED, Alvarez FP, Bloch J. Source. Urinary incontinence in French women: prevalence, risk factors, and impact on quality of life. Eur Urol. 2009; 56:177–83.
(3) Gasquet I, Tcherny-Lessenot S, Gaudebout P, Bosio Le Goux B, Klein P, Haab F. Influence on the severity of stress urinary incontinence on quality of life, health care seeking, and treatment: a national cross-sectional survey. Eur Urol. 2006;(50):818–25.
(4) Maître C, Harvey T. L’incontinence urinaire de la sportive. La lettre du gynécologue.2011 ; 358-359 :34-37.
(5) Contreras Ortiz O. Stress urinary incontinence. Int J Gynecol Obstetrics.2004 ; 86 :2-16.
(6) Cortesse A. Cardo V. Recommandations pour l’évaluation clinique d’une incontinence urinaire féminine non neurologique. Progrès en Urologie. 2007;(17):12–20.
(7) Larsen WI, Yavorek TA. Pelvic organ prolaps and urinary incontinence in nulliparous women at the United States Military Academy. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunction. 2006 ; 17 (3) :208-2010.
(8) De Lancey J. Anatomy of the female bladder and urethra. In :AE Bent, DR Ostergard, GW Cundiff. Ostergard’s urogynecology and pelvic floor dysfunction. 5e éd. Philadelphia: Lippincott Williams et Wilkins ; 2003.
(9) Nygaard IE, Bryant CM, Dowell C, Wilson D. Lifestyle interventions for the treatment of urinary incontinence in adults. Cochrane Database Syst Rev. 2002; CD003505.
(10) Lind L.R. Epidemiology of surgical Thoracic hypothesis and the prevalence of advanced uterine prolapse. Obstet. Gynecol.1996 ; 87 (4) : 605-9.
(11) Smith MD, Coppieters MW, Hodges Neurourol Urodyn. 2008;27(1): 71-8.
(12) Caufriez M. Abdominaux et Périnée: mythes et réalités? Reprogrammation Systémique Fonctionnelle.1e éd. Mallorca (Espagne) : MC Edition ; 2010.
(13) Guillarme L. Rééducation thoraco-abdomino-pelvienne par le concept ABDO-MG®.1e éd. Paris : Frison Roche Ed; 2004.
(14) Handa, Victoria L, Harpreet K, Siddique, Gutman, VanRooyen, Cundiff. Architectural Differences in the Bony Pelvis of Women With and Without Pelvic Floor Disorders. Obstetrics & Gynecology. 2003 ; 102 :1283-1290.
(15) Hay-Smith EJ, Herbison GP, Wilson PD. Pelvic floor muscle training for women with symptoms of urinary incontinence. A randomized trial comparing strengthening and motor relearning approaches. Neurourol Urodyn. 2002; 21: 371.
(16) Miller J, Ashton-Miller JA, De Lancey JOL. The knack: Use of precisely timed- pelvic floor muscle contraction can reduce leakage in USI. Neurourol Urodyn. 1996; 15,4, 1Bs, 90.

 

Aurélie COURNUT
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