Fiche identité coureur :
Nom : TATARD
Prénom : Jeff
Date de naissance : 18 décembre 1980
Catégorie : Sénior Homme
Club : EFCVO – Team Boutique Marathon ASICS
Taille : 176cm
Poids : 68kilos
Palmarès :
- 2h34’ au marathon,
- 3ème du 100kms de MILLAU 2014,
- 6ème de l’ECOTRAIL 2013,
- 2ème français au marathon de Florence 2012 et au semi-marathon de Barcelone 2013,
- 3ème du championnat de France de semi marathon par équipe 2011
Introduction :
Bonjour Jeff et un grand merci de prendre quelques minutes pour répondre à ces questions.
Si je t’ai sollicité pour cette petite interview c’est qu’au-delà de tes performances sportives remarquables, tu fais preuve d’un très grand recul sur la pratique de la course à pied en cherchant toujours à t’adapter du mieux possible à la situation toujours en restant à l’écoute de ton corps et faisant évoluer sans cesse ton entraînement en fonction de ta forme, de tes blessures et de tes objectifs. Et ce, toujours avec le sourire et le plaisir de courir. Une belle philosophie que j’aimerais que tu fasses partager à nos lecteurs au travers tes réponses à ces quelques questions.
Je sais que depuis une petite année, tu as dû faire face à pas mal de blessures différentes, surement toutes un peu liées. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ces blessures. Quand sont-elles arrivées ? Quelles sont-elles ?
Même si j’ai beaucoup couru dans les jeunes catégories et que j’avais d’ailleurs de bons résultats, je n’ai vraiment rechaussé les runnings, qu’en 2009 à 28 ans. Pendant toutes ces années, j’ai fait du vélo à un bon niveau national. Alors au début quand tu recommences à courir, c’est grisant. Tu progresses vite et tu améliores tes chronos à chaque course. Mais ta vision de ce sport par rapport au cyclisme est biaisée. Tu crois que tu peux faire des compétitions tous les week-end; que tu vas pouvoir courir une ou même deux heures d’emblée comme ça de but en blanc; et que tu pourras y retourner le lendemain, puis le surlendemain. Mais ton corps va vite te rappeler à l’ordre.
La course à pied est traumatisante et va t’obliger à redécouvrir ton anatomie. Ainsi, jusqu’en 2013, j’ai profité d’une belle courbe de progression jusqu’à faire parti des 50 meilleurs français sur marathon et des 10 meilleurs sur 100 kms. Et c’est vraiment à ce moment là que j’ai connu ma première vraie blessure. Une aponévrosite plantaire ! Depuis je n’ai jamais vraiment retrouvé mon niveau et ai enchaîné les ennuis physiques (sciatique et pubalgie).
Les 100 kilomètres justement avec celui de Millau et cette très très belle perf que tu y fais en finissant 3ème. Que peux-tu nous dire sur cette course ?
« Il faut être fou… » : peut-être mille fois je l’ai entendu et pourtant, nous étions des milliers sur la ligne de départ ce dernier samedi de septembre 2014. Des coureurs venus du monde entier pour relever le défi de ce mythe. Les « 100 kilomètres de Millau » c’est une course monstrueuse aux côtes dignes du Tour de France. Même les suiveurs à vélo souffrent le martyre ! Et pas vraiment le temps d’apprécier l’un des plus beaux paysages de notre doux pays… Mais alors pourquoi ? C’est indescriptible. Cette course est unique. Ce que j’y ai ressenti je ne l’avais encore perçu nulle part ailleurs.
Si tu avais un moment à retenir à Millau, lequel serait-ce ?
Ce n’est pas le plus euphorisant, ni le plus émouvant. D’ailleurs, probablement était-ce le moment où j’étais le moins connecté à mon esprit et à mon corps. On est au 90ème kilomètre. Il y a deux concurrents exceptionnels devant et je joue la dernière place sur la boîte. Pourtant, Jose-Daniel VAZ CABRAL, le champion du Cap Vert du 100 kms et visiblement bien plus fort que moi, est revenu avec facilité et la seule lucidité que j’ai à ce moment : je comprends qu’il va plus falloir faire confiance à ma volonté qu’à quelconque autre fortune. Toutes mes provisions sont épuisées sauf mon courage. Par autosuggestion consciente, je parviens à faire abstraction de tout ce qui s’est passé avant et à me mettre dans la peau d’un mec qui prend le départ d’un « simple » 10 kms un dimanche matin…
Du coup, comment s’est passé l’après 100 kilomètres de Millau ?
Pendant le 100 kms de MILLAU, mon esprit a fait un deal avec mon corps : « Je te laisse faire 3è mais tu payes l’addition ? ».
Je sais qu’il n’est pas bien de vivre à crédit mais combien de fois dans une vie ce genre d’occasion se présente-t-elle ? Je suis quand-même monté sur le podium du 100 kms le plus mythique de la planète et jamais personne ne me l’enlèvera. Mais il m’a ainsi fallu 10 mois pour rembourser ma dette. Pendant tout ce temps je souffrais d’une paresthésie et d’une dénervation notable de ma jambe gauche. Impossible de courir et de me servir correctement de mes jambes.
Peux-tu nous expliquer, en quelques lignes, quelles ont été les différentes phases pour gérer cette blessure ?
Dans un premier temps, après 15 jours de repos, tu navigues un peu à l’aveugle. Quand tu reprends, tu as encore des douleurs un peu partout mais tu te dis qu’elles sont probablement normales. Qu’elles passeront avec le temps. Au bout d’un mois, tu fais un bilan et tu te rends bien compte que cela ne va toujours pas mieux. Peut-être même encore moins bien. Mais tu vis dans le déni. Tu refuses d’admettre la blessure. Tu persistes à croire que ça ira mieux demain. Tu traines à consulter le médecin et tu rejettes tout ce qui ne va pas dans ton sens. Tu veux continuer à courir.
Alors tu bricoles et tu persistes en continuant d’évoluer dans le mauvais sens de la spirale. Pourtant tes performances diminuent. Tes résultats baissent. Tu perds le plaisir et le sourire. L’inquiétude te gagne. Ta confiance s’épuise. Les choses s’aggravent et un jour tu te rends compte que cette fois, tu ne peux même plus du tout courir. Je ne dirais pas que c’est le moment où tu acceptes ! Car avant, tu passes par de la colère, puis la peur. Et enfin une période qui ressemble à une dépression.
Mais finalement c’est cette étape qui est la plus décisive. C’est le moment où je prends conscience que ce qui a été fait, a été fait et que de toute façon je ne pourrai rien changer. Tu renonces à l’illusion de toute puissance. Et tu commences à chercher de vraies solutions. Il est temps de remonter la pente et de changer le sens de la spirale. Comme une révélation, tu découvres le cadeau caché. Tu t’enrichis de tes recherches et de tes investigations. Tu trouves des réponses. Au mieux, tu trouves la solution. Au pire, tu découvres des trésors que tu ne cherchais pas. Mais à chaque fois que je me suis blessé, j’en suis sorti grandi.
Tout juste un an après les 100 kilomètres de Millau, tu as brillamment couru le marathon de Berlin. J’ai eu l’impression que ton approche mentale de la compétition était différente d’avant blessure. Comment as-tu abordé ce marathon ?
Je me considère encore en convalescence. D’ailleurs, aujourd’hui, je suis à nouveau à l’arrêt. Je soigne un problème au bassin qui est peut-être même la source de tous mes problèmes. Alors, courir « Berlin » cette année, pour moi, c’était du bonus. Et, 2h37’ : complètement inespéré et à bien y réfléchir : peu raisonnable !
D’ailleurs, difficile d’oublier que quelques mois plus tôt se posait la question que je ne puisse ne plus jamais pratiquer ma passion. Difficile aussi de sortir de mon esprit certaines personnes ou certaines choses qui m’ont transmises des wagons de croyances limitantes et qui entretiennent un regard et un état d’esprit négatif sur moi-même. Le temps de la prépa mais surtout le temps du marathon, j’ai su rendre à ces choses et à ces gens leurs convictions et construire un système de croyance qui m’est propre et qui correspondait à ce que je voulais. J’ai procédé par étape et je me suis concentré sur ce que je sais faire. D’habitude organisé et méthodique, cette fois, je ne me suis jamais vraiment projeté. Exceptionnellement, j’ai pris les choses comme elles venaient.
Et d’un point de vue entrainement, j’imagine que du coup, il a été bien différent de ce que tu avais l’habitude de faire. Peux-tu nous en dire un peu plus sur l’approche qu’a été la tienne et celle de ton coach Marc ?
Même si le bitume berlinois se prête aux performances exceptionnelles, je savais bien que, cette année, je n’y battrais pas mon record. Je n’ai rien donc développé. J’ai surtout travaillé sur mes acquis. Ça m’a demandé beaucoup d’efforts au début mais j’ai trouvé inspiration dans la philosophie de Marc.
Ce n’est pas très français de se focaliser sur ses points forts mais pourtant, c’est Marc qui me l’a le mieux appris, il n’y a pas meilleur moyen de renforcer la confiance en soi. Alors j’ai fait l’effort de me focaliser en priorité sur les endroits où j’ai des facilités naturelles plutôt que de me fixer sur mes points d’amélioration. J’ai passé 80% de mon temps d’entraînement à ne faire que ce que j’aime. Et seulement 20 à travailler mes points faibles.
Justement en parlant de ton coach Marc. Quelle est, à tes yeux, l’importance d’un entraineur dans ces moments où tu es obligé de prendre du recul et d’en quelques sortes, d’accepter de tout reprendre à zéro malgré ton expérience ?
Tu me promets de ne pas le répéter, Agnès ? Juste devant celui de ma femme et de mon patron, son numéro est le plus utilisé de mon iphone… J’ai une grande confiance en Marc. A vrai dire, on ne s’est jamais loupé lorsqu’on s’est fixé un objectif ensemble. Ça fait plus de 20ans qu’on est pote. On est très lié. Je le connais donc très bien mais si je me positionne comme un de ses athlètes, ce coach est tout ce qu’il y a de plus exemplaire.
Mieux, sous ses airs un peu godiches se dissimule une vive intelligence. Son expertise en coaching est aujourd’hui très courtisée. Il fait parti des meilleurs coach de demi-fond en France. Alors, évidement, j’ai facilement tendance à me laisser guider. Chez n’importe qui d’autre, cette nonchalance dont il donne systématiquement l’impression aurait tendance à m’énerver. Mais chez lui, elle m’est rassurante. Il y a des gens comme ça qui malgré eux font du bien autour d’eux. Il sait te faire souffrir mais il sait surtout te faire sourire. Et en plus, c’est un épicurien !
Du coup, comment s’est passé Berlin ? Un moment marquant en particulier ?
En fait, carencé en confiance et en récents résultats, j’ai juste eu l’impression d’avoir tenté de réciter au mieux ma leçon. Je savais que j’étais programmé pour 3’45’’ au kilo et que je ne pouvais pas espérer mieux. Je n’ai pas tenté le diable. J’ai suivi ce tableau de marche et je ne me suis jamais projeté. J’ai pris les kilos à ma montre les uns après les autres sans jamais regarder le temps total. Je n’ai jamais été bien mais je n’ai jamais été vraiment mal non plus.
Ce n’est qu’au 38ème kilo que je pris pleine conscience que j’étais quand-même en train de réaliser un truc. Ce n’est donc que pendant ces 10 ou 15 dernières minutes que j’ai vraiment savouré. D’ailleurs, je ne m’attendais pas à un tel niveau d’émotions. « On est heureux qu’autant qu’on a souffert » disait Charles PERRAULT ? Alors, j’ai vraiment dû souffrir parce que le bonheur que j’ai vécu, quelques mètres après la porte de Brandebourg est indescriptible. Le genre d’émotion qui ne te permet plus de contenir tes larmes…
Dis-nous Jeff, et aujourd’hui, après Berlin, comment te sens-tu ? Comment envisages-tu les mois à venir ? des objectifs ?
Actuellement, je ne peux pas courir. Je reprendrai d’ici quelques semaines. Mais je ne suis pas inquiet. Ce n’est pas comme si je ne savais pas ce que j’ai. Il y a un problème à traiter. Je prendrai le temps qu’il faut. Avec Marc et Guillaume, mon kiné et dont cette fois, c’est moi le coach, nous allons repeser chacune des composantes. J’ai une tendance à l’excès et il y a du ménage à faire. En attendant, je retrouve beaucoup de plaisir à faire du vélo. Et puis, étonnement, malgré les incertitudes et le retard notable que j’avais dans ma préparation pour « Berlin », j’ai quand-même réussi à me rapprocher à 3 minutes 30 de mon record. Ça veut dire qu’il n’est pas nécessaire de s’inquiéter et que le corps a bonne mémoire. A lui aussi, il faut faire confiance.
Si tout se passe bien, j’espère avoir retrouvé mon niveau avant l’été de façon à battre mon record sur marathon à l’automne. Valence, Chicago, Porto ou un autre, je ne sais pas encore ! Mais en tous les cas, j’emmènerai mes copains JC et Marc avec moi dans ma valise. Parce qu’avant tout, la course à pied, c’est une affaire de partage et d’amitiés et il y a déjà longtemps que j’avais remarqué que le bonheur était la seule chose qui se multipliait quand tu le partageais.
Jeff, je te remercie infiniment d’avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions. Je te souhaite de bien récupérer les prochaines semaines, de conserver ce plaisir de courir qui transparait chez toi. Nul doute que les résultats suivront.
Porte Dorée – Bois de Vincennes
2 place Edouard Renard - 75012 Paris
Téléphone : 01 43 40 62 39
- Interview Nicolas DUHAIL : « Dans la cour des grands » - 26 avril 2016
- Jonathan DUHAIL : « Le plaisir de courir tout simplement » ! - 3 février 2016
- Jeff TATARD : Courir autrement après la blessure - 25 novembre 2015
Dans le même thème
30 novembre 2015 Karkoa, transporter l’essentiel pour le sport Après son Smartbag 40, Karkoa continue d’innover en proposant une version plus compacte de son sac intelligent (25 L). Destiné aux sportifs urbains, ce sac facilitera la pratique de votre […]
20 juillet 2015 Polar A300 : La montre Fitness tendance Découvrez la nouvelle montre A300 signée Polar, conçue pour vous aider à bouger. L’A300 vous permettra d’atteindre vos objectifs plus rapidement et de la meilleure façon qu’il […]
23 juillet 2015 Retour sur Le Tour du Mont-Blanc® Cyclotourisme A l’occasion de la 6ème édition du Tour du Mont-Blanc, le Samedi 18 juillet, plus de 300 participants étaient présents sur la ligne de départ de la Station des Saisies. Le parcours […]